Les droits de l’homme

comme cadre

pour le nouveau

droit international biomédical

 

 

                                            Roberto Andorno

 

Le droit aux soins de santé est inscrit depuis des décennies dans de nombreux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme. Cependant, en dépit de cette reconnaissance formelle, l’inégalité dans l’accès aux médicaments essentiels constitue encore aujourd’hui un des défis majeurs en matière de santé. Si la situation est particulièrement dramatique au Sud, on assiste également, même dans les pays développés, à la mise à l’écart des systèmes de soins d’une part croissante de la population.

Le problème est dû en partie au fait que les médicaments sont assimilés à de simples marchandises et soumis en tant que telles aux lois du marché, ce qui rend leur prix inaccessible aux couches les plus larges de la population. Or, si l’on part de l’idée que l’accès aux médicaments essentiels fait partie constitutive d’un droit fondamental de la personne, le droit aux soins de santé, on est forcé de conclure qu’ils ne peuvent pas être traités comme de simples denrées commerciales. C’est pourquoi il paraît à ce propos nécessaire d’insister sur l’importance d’inclure très explicitement l’accès aux médicaments essentiels dans le contexte des droits de l’homme. Cette stratégie est en conformité avec le droit international biomédical qui est en train d’émerger ces dernières années, qui s’oriente clairement vers l’intégration de ses normes dans le cadre du droit international des droits de l’homme.

L’objet de cette présentation est précisément d’illustrer cette caractéristique du nouveau droit international biomédical (I), ainsi que le montrent bien les travaux du Conseil de l’Europe et de l’UNESCO dans ce domaine (II). 

 

 

I. Pourquoi le recours aux droits de l’homme dans le domaine biomédical ?

 

Pourquoi a-t-on recours aux droits de l’homme dans le domaine biomédical ? Plusieurs raisons expliquent cette démarche.

Tout d’abord, il y a le fait incontournable que les activités biomédicales touchent à une dimension essentielle de la personne : sa vie, sa santé et son intégrité physique et psychique. Il est donc normal que, en vue de protéger ces valeurs, on ait recours à l’instrument juridique le plus mobilisateur de l’action politique dont on dispose : celui des « droits ». A la différence de la notion de « dignité humaine » qui, tout en étant fondamentale en bioéthique, se situe à un niveau très général, le recours aux droits de l’homme permet d’apporter des solutions précises aux dilemmes bioéthiques. Cela explique le fait que, en vue d’assurer le respect des patients et des sujets de recherche biomédicale, il est courant d’avoir recours à des notions telles que «consentement éclairé », « intégrité physique », « confidentialité », « non-discrimination », etc. Or, toutes ces notions sont normalement formulées en employant la terminologie des droits[1].

Ce phénomène s’explique aussi par le consensus actuel selon lequel l’Etat moderne, en tant qu’ « Etat de droit », n’a d’autre finalité que d’assurer le respect des droits de l’homme. A ce propos, il est intéressant de noter qu’il n’y a aujourd’hui aucun gouvernement qui ne se présente en défenseur des droits de l’homme, même ceux qui, paradoxalement, ne les respectent pas ! Cela est bien révélateur du fait que les droits fondamentaux de la personne sont devenus, dans notre monde culturellement fragmenté, la « lingua franca des relations internationales »[2], voire même la « dernière expression d’une éthique universelle »[3].

Une autre raison du recours aux droits de l’homme en biomédecine est que cette notion facilite la formulation de normes à validité universelle. Il convient de rappeler que les droits de l’homme sont normalement conçus comme des prérogatives fondamentales de la personne humaine qui transcendent la diversité des cultures. Ce sont des droits qui correspondent à l’être humain en vertu de sa seule condition humaine. Pour employer les mots de Paul Ricœur, ces droits s’appuient sur l’idée que « quelque chose est dû à l'être humain du seul fait qu'il est humain »[4]. Tous les êtres humains ont donc « des droits égaux et inaliénables », car tous participent à la « dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine »[5]. C’est ce qu’on appelle l’universalité des droits de l’homme. Cette universalité est une caractéristique essentielle des droits fondamentaux de la personne. En fait, on ne pourrait même pas penser à eux s’ils n’étaient pas universels car, comme le souligne un auteur avec force, « les droits de l’homme sont universels ou il ne sont pas »[6].

Enfin, une quatrième raison, plus pragmatique, de l’appel aux droits de l’homme est le fait que, depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, un nombre impressionnant d’instruments internationaux, basés sur la philosophie des droits de l'homme, ont été adoptés afin de garantir le respect inconditionnel de la personne humaine. Le système actuel, avec son éventail de normes, de mécanismes de suivi et de certaines instances juridictionnelles, représente l’un des accomplissements les plus impressionnants de notre temps au plan juridique et politique. Or, on ne voit pas pourquoi on ne devrait pas profiter de ce riche ensemble normatif et institutionnel en vue de promouvoir le respect de la personne dans le domaine biomédical.

Certes, pour que les droits de l’homme reconnus « sur le papier » deviennent une réalité sur le terrain, il ne suffit pas qu’ils soient proclamés par des instruments internationaux, mais il faut que chaque Etat adopte les mesures concrètes pour les mettre en œuvre, ce qui, hélas, n’est pas toujours le cas. Mais au-delà de cette faiblesse inhérente au droit international, il faut bien reconnaître que les droits de l’homme restent le seul instrument conceptuel et technique dont nous disposons pour assurer le respect de la personne humaine dans les terrains les plus divers de la vie sociale, y inclus le domaine biomédical.

 

 

II.            Le nouveau droit international biomédical

 

Les deux instruments intergouvernementaux sur la biomédecine adoptés depuis 1997 par l’UNESCO et le Conseil de l’Europe, notamment la « Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme » et la « Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine », respectivement, peuvent être considérés comme la source du nouveau droit international biomédical. Après avoir brièvement présenté ces deux textes fondateurs (A), on donnera un aperçu d’un instrument que l’UNESCO vient d’adopter, la « Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme », qui s’inscrit dans la même démarche que les précédents (B).

 

 

A.           Les instruments fondateurs

 

a.          La Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (ou « Convention d’Oviedo »)

 

Le grand mérite qui revient au Conseil de l’Europe en matière biomédicale est d’avoir réussi à élaborer et à faire adopter le premier instrument intergouvernemental de nature contraignante entièrement consacré à encadrer les activités dans ce domaine. En vue de cela, la Convention d’Oviedo a explicitement recours au droit international des droits de l’homme.[7]

Le Préambule de la Convention signale en tout premier lieu, parmi les antécédents qui ont inspiré le document, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 et les deux Pactes internationaux des Nations Unies relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques de 1966. Rappelons que c’est précisément le Conseil de l’Europe qui fut à l’origine de la Convention européenne des droits de l’homme et d’un ensemble de mécanismes visant à assurer le respect effectif des droits fondamentaux en Europe. Il est donc clair que c’est dans ce même contexte que la Convention d’Oviedo vise à donner une réponse aux problèmes spécifiques soulevés par les pratiques biomédicales. A ce propos, il est intéressant de remarquer que, précisément pour mettre en évidence le caractère juridique et non pas purement éthique de l’instrument, le terme « bioéthique », qui faisait partie du titre dans les versions initiales du texte, a été remplacé par celui de « biomédecine ».

Selon l’article premier, la Convention a pour objet de « protéger l'être humain dans sa dignité et son identité » et de garantir «  à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l'égard des applications de la biologie et de la médecine ». A ce propos, le Rapport Explicatif signale que le principe de dignité est celui à la lumière duquel il faut interpréter toutes les dispositions de la Convention[8].

A son tour, l’article 2 énonce le principe de primauté de la personne humaine d’après lequel « l'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science ». Cela signifie qu’aucune raison d’efficacité économique ou de progrès scientifique ne peuvent justifier l’instrumentalisation de l’être humain. La Convention reprend ici un principe classique de l’éthique médicale, inclus entre autres dans la Déclaration d’Helsinki sur la recherche biomédicale, qui dispose que « dans la recherche médicale sur les sujets humains, les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien-être du sujet » (article 5).

C’est encore l’idée de dignité humaine, en tant qu’exigence d’égalité, qui est à la base de l’article 3, selon lequel les Etats doivent assurer « un accès équitable à des soins de santé de qualité appropriée ». Comme le souligne le Rapport explicatif, il s’agit d’une obligation de moyens (non pas de résultat) pour les Etats, qui doivent prendre les mesures appropriées afin que tous les individus, sans discriminations, puissent bénéficier des services de santé[9].

En fait, toute la structure de la Convention tourne, de manière explicite ou implicite, autour des notions de dignité humaine et des droits de l’homme. A titre d’exemple, on peut signaler :

              l’exigence du consentement éclairé pour toute intervention biomédicale (art. 5);

              la protection des personnes incapables de donner leur consentement (arts. 6 et 7) ;

              le droit à la confidentialité des informations relatives à la santé (art. 10, al. 1);

              le droit de savoir et le droit de ne pas savoir de telles informations (art. 10, al. 2); ;

              la prohibition des discriminations basées sur les caractéristiques génétiques (art. 11);

              la protection des sujets des recherches biomédicales (arts. 16 et 17) ;

              la protection des donneurs d’organes et de tissus (arts. 19 et 20).

              la non-patrimonialité des parties et produits du corps humain (art. 21).

              l’interdiction d’utiliser les parties et produits du corps dans un but autre que celui pour lesquels ils ont été prélevés, sauf avec le consentement du donneur (art. 22).

 

 

b.         La Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme

  

A la différence de la Convention d’Oviedo, qui vise à fixer des principes pour toutes les pratiques biomédicales, la Déclaration de l’UNESCO sur le génome humain et les droits de l’homme se centre sur un domaine particulier, celui de la génétique humaine. En revanche, elle ne s’applique pas qu’aux Etats européens mais, en vertu de son origine dans une agence spécialisée des Nations Unies, elle a une vocation universelle. D’après le Comité d’experts intergouvernementaux qui ont rédigé la version finale de la Déclaration, le but de celle-ci est « d’assurer  un développement de la génétique humaine pleinement respectueux de la dignité et des droits de la personne humaine, et bénéfique à l’humanité tout entière »[10]. L’originalité principale de cet instrument réside probablement dans la caractérisation du génome humain comme « patrimoine de l’humanité » (article 1). Cette notion, inspirée du concept de « patrimoine commun de l’humanité », propre au droit international, vise à mettre en relief que les recherches en génétique engagent la responsabilité de l’humanité tout entière et que ses résultats doivent être mis au service des générations présentes et futures.[11] Ainsi, l’humanité en tant que telle est pour la première fois regardée comme une entité à protéger par le droit international. Certes, la notion de « crimes contre l’humanité » faisait partie du droit international depuis la Seconde Guerre Mondiale. Cependant, cette dernière notion ne cherche qu’à prévenir des actes commis contre des minorités ethniques, sociales ou religieuses. Or, la caractérisation du génome humain comme « patrimoine de l’humanité » a une visée plus large car elle cherche à protéger l’espèce humaine en tant que telle.[12]

Ainsi que son titre lui-même l’indique, la Déclaration de l’UNESCO s’inscrit aussi très nettement dans le cadre des droits de l’homme. De même que la Convention d’Oviedo, elle énonce dans son Préambule les principaux instruments internationaux sur les droits de l’homme, mais elle prend soin d’y ajouter, entre autres, ceux qui interdisent les discriminations pour des raisons de sexe, d’origine ethnique, d’âge ou de santé physique ou mentale.

Parmi les normes qu’elle formule, on peut mentionner :

-                                                              celle selon laquelle la dignité humaine et les droits de l’homme sont indépendants des caractéristiques génétiques de la personne (art. 2) et par conséquent les pratiques discriminatoires basées sur l’information génétique de l’individu doivent être interdites (art. 6).

-                                                              dans la section « B », intitulée « Droits des personnes concernées » :

-                                                              l’exigence du consentement éclairé de l’individu concerné pour toute recherche, traitement ou diagnostic dans le domaine de la génétique (art. 5 b) ;

-                                                              le droit de la personne de décider si elle veut ou non être informée des résultats des tests génétiques (art. 5 c) ;

-                                                              la protection des personnes incapables de donner leur consentement (art. 5 e) ;

-                                                              la confidentialité des données génétiques associées à une personne identifiable (art. 7) ; [13]

-                                                              le droit de tout individu à une réparation équitable du dommage causé par une intervention portant sur son génome (art. 8).

-                                                              le principe d’après lequel « aucune recherche concernant le génome humain  (…) ne devrait prévaloir sur le respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de la dignité humaine » (art. 10).

-                                                              la liberté de la recherche scientifique est assurée, mais sous condition qu’elle respecte les droits de l'homme, les libertés fondamentales et la dignité humaine (art. 15).

-                                                              la section « E » de la Déclaration, entièrement consacrée à la question de la « solidarité et coopération internationale », énonce des devoirs des Etats dans ce domaine, notamment :

-                                                              celui de « respecter et promouvoir une solidarité active vis-à-vis des individus, des familles ou des populations particulièrement vulnérables aux maladies ou handicaps de nature génétique, ou atteints de ceux-ci ». Plus concrètement, les Etats devraient « encourager les recherches destinées à identifier, à prévenir et à traiter les maladies d'ordre génétique ou les maladies influencées par la génétique, en particulier les maladies rares ainsi que les maladies endémiques qui affectent une part importante de la population mondiale » (art. 17).

-                                                              celui de « favoriser la diffusion internationale de la connaissance scientifique sur le génome humain, sur la diversité humaine et sur les recherches en génétique et, à cet égard, à favoriser la coopération scientifique et culturelle, notamment entre pays industrialisés et pays en développement » (art. 18).

-                                                              celui de « d’étendre et renforcer la capacité des pays en développement de mener des recherches en biologie et en génétique humaines, compte tenu de leurs problèmes spécifiques »  (art. 19, al. a.i.i).

-                                                              celui de « permettre aux pays en développement de bénéficier des avancées de la recherche scientifique et technologique, de façon à favoriser le progrès économique et social au profit de tous » (art. 19, al. a.iii).

 

 

B.        La « Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme » de l’UNESCO

 

La démarche consistant à inscrire le nouveau droit international biomédical dans le cadre des droits de l’homme se renforce encore davantage avec la « Déclaration sur la bioéthique et les droits de l’homme » que l’UNESCO a adopté le 19 octobre 2005.

L’histoire de ce texte mérite d’être rapidement rappelée. Au mois d’octobre 2003, la Conférence générale de l’UNESCO déclarait qu’il était « opportun et souhaitable de définir les normes universelles en matière de bioéthique dans le respect de la dignité humaine et des droits et des libertés de la personne ». Sur cette base, le Directeur Général de l’organisation, M. Koïchiro Maatsura, a chargé le Comité international de bioéthique (CIB) de mettre en œuvre la rédaction de la Déclaration. Après de nombreuses réunions et des consultations avec des experts et d’autres instances nationales et internationales, le CIB a mis au point en janvier 2005 un avant-projet de Déclaration, qui a été ensuite soumis aux mois d’avril et de juin à des experts gouvernementaux. Ces derniers ont introduit une série d’amendements dans le texte, dont la version finale a été adoptée le 19 octobre 2005 par la Conférence Générale de l’UNESCO.

La nouvelle Déclaration vise à dresser une liste des principes qui devraient encadrer les pratiques biomédicales, ce qui d’une certaine manière la rapproche de la Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine. Cependant, le texte de l’UNESCO a l’avantage sur la Convention d’Oviedo d’avoir une portée globale et non seulement européenne. Certes, la Déclaration est un instrument de ce qu’on appelle le « soft law » ; elle n’a donc pas de force contraignante pour les Etats. Mais même ainsi, elle constitue un premier pas important dans ce domaine, surtout si l’on pense que beaucoup de pays n’ont aucune législation sur les questions de bioéthique et que, le moment venu, ils pourront s’inspirer de ce texte. Ainsi donc, on peut noter que la future Déclaration est le premier instrument de nature juridique et de portée globale énonçant des principes régulateurs des pratiques biomédicales.

En vue d’élaborer ce texte, ainsi que le souligne la Note explicative, « le groupe de rédaction a (…) insisté sur la nécessité de prendre le droit international des droits de l’homme comme cadre et base de départ essentiels pour l’élaboration des principes bioéthiques ».[14] On souligne aussi que le projet de Déclaration « ancre ses principes (…) dans les règles qui régissent le respect de la dignité humaine, des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».[15] D’après la même Note explicative, il y aurait deux grands courants qui sont à la source de la bioéthique : l’un, qui remonte à l’antiquité et notamment à Hippocrate, est le produit de réflexions sur la pratique de la médecine ; l’autre, plus récent, s’appuie sur le développement du droit international des droits de l’homme. Et elle ajoute : « l’un des acquis les plus importants de cette déclaration, c’est qu’elle cherche à unir ces deux courants. Elle vise clairement à mettre la bioéthique en conformité avec le droit international des droits de l’homme ».[16] On voit donc bien comment cette tendance, qui était déjà très visible dans ce que nous avons appelé les « instruments fondateurs » du droit international biomédical, se renforce encore davantage avec la nouvelle Déclaration.

Parmi les objectifs du document, on peut remarquer surtout trois, à savoir ceux :

-                                                              « d’offrir un cadre universel de principes et de procédures pour guider les États dans la formulation de leur législation, de leurs politiques ou d’autres instruments en matière de bioéthique » (art. 2, al. i).

-                                                              de « contribuer au respect de la dignité humaine et de protéger les droits de l’homme, en assurant le respect de la vie des êtres humains et les libertés fondamentales, d’une manière compatible avec le droit international des droits de l’homme » (ibid., al. ii).

-                                                              « de promouvoir un accès équitable aux progrès de la médecine, des sciences et des technologies, ainsi que circulation la plus large possible et un partage rapide des connaissances concernant ces progrès » (ibid., al. vi).

En ce qui concerne « les principes » que le projet énonce, il y a en tout premier lieu celui du respect de « la dignité humaine, des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (Art. 3). Ensuite, le texte inclut, entre autres :

-                                                              les principes de bienfaisance et non-malfaisance lorsqu’il dispose que « les effets bénéfiques directs pour les patients, les participants à des recherches et les autres individus concernés, devraient être maximisés et tout effet nocif susceptible d’affecter ces individus devrait être réduit au minimum » (art. 4)[17].

-                                                              le principe d’autonomie des personnes « pour ce qui est de prendre des décisions, tout en assumant la responsabilité et en respectant l’autonomie d’autrui » (art. 5) ;

-                                                              l’exigence du consentement éclairé, qui est un corollaire du principe d’autonomie. Selon l’article 6, al. a, « toute intervention médicale de caractère préventif, diagnostique ou thérapeutique ne doit être mise en œuvre qu’avec le consentement préalable, libre et éclairé de la personne concernée, fondé sur des informations suffisantes (…)». L’alinéa b, qui porte sur les recherches biomédicales, ajoute aux conditions précédentes l’exigence du consentement exprès et l’obligation d’informer les participants de leur droit de « retirer [leur] consentement à tout moment et pour toute raison » ;

-                                                              la protection des personnes incapables de donner leur consentement (art. 7). En ce qui concerne les recherches sans bénéfice directe sur des incapables, il est intéressant de remarquer que le projet de Déclaration, de même que la Convention d’Oviedo (art. 17, al. 2), dispose que de telles recherches ne peuvent être entreprises qu’a titre exceptionnel et lorsqu’elles n’impliquent que des risques et des contraintes minimales pour la personne (ibid. al. b) ;

-                                                              l’obligation de prendre en compte « la vulnérabilité humaine » dans les pratiques biomédicales (art. 8) ;

-                                                              le respect de la confidentialité des informations concernant les patients et les sujets de recherche (art. 9) ;

-                                                              le principe d’égalité, justice et équité (art. 10) ;

-                                                              les principes de non-discrimination et non-stigmatisation (art. 11).

-                                                              le respect de la diversité culturelle et du pluralisme dans le domaine biomédical, à condition qu’ils ne soient pas invoqués pour « porter atteinte à la dignité humaine, aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales » (art. 12).

-                                                              la reconnaissance du « droit de jouir du meilleur état de santé qu’il soit capable d’atteindre » comme l’un des « droits fondamentaux de tout être humain ». Cela implique tout particulièrement l’obligation de favoriser « l’accès aux soins de santé de qualité et aux médicaments essentiels, notamment dans l’intérêt de la santé des femmes et des enfants (…) » (art. 14, al. b) ;

-                                                              le principe de partage des bienfaits résultant des recherches scientifiques avec la société dans son ensemble (art. 15). Ce partage peut prendre des formes diverses, dont l’article donne quelques exemples.

 

 

Conclusion

 

En vue de promouvoir l’accès aux médicaments essentiels, il paraît nécessaire d’insister sur le fait que, en tant que partie fondamentale du droit aux soins de santé, un tel accès doit être clairement encadré dans le droit international des droits de l’homme. Cette stratégie serait parfaitement en conformité avec le droit international biomédical qui est en train d’émerger ces dernières années, qui s’oriente clairement vers le recours aux droits de l’homme. Cette démarche, qui a été initiée en 1997 par la « Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine » du Conseil de l’Europe et par la « Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme » de l’UNESCO, se renforce avec la nouvelle « Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme » adoptée par l’UNESCO le 19 octobre 2005.


 

 

[1] Roberto Andorno, « Biomedicine and international human rights law: in search of a global consensus », Bulletin of the World Health Organization (WHO), n° 12, vol. 80, 2002, p. 959-963. En ligne: http://www.who.int/bulletin/

[2] Lori Knowles, « The Lingua Franca of Human Rights and the Rise of a Global Bioethic », Cambridge Quarterly of Healthcare Ethics, 2001, vol. 10, n° 3, p. 253.

[3] Francesco Viola, Etica e metaetica dei diritti umani, Turin, Giappichelli, 2000, p. 87.

[4] Paul Ricœur, « Pour l’être humain du seul fait qu’il est humain », dans : Jean-François de Raymond (dir.), Les enjeux des droits de l’homme, Paris, Larousse, 1988, p. 236.

[5] Cf. Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (Préambule) ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (Préambule) ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (Préambule).

[6] Héctor Gros Espiell, « Droits de l'homme et droits de l'humanité », dans: Federico Mayor (dir.), René-Jean Dupuy. Une œuvre au service de l'humanité, Paris, UNESCO, 1999, p. 23.

[7] Cf. Louis Dubouis, « La Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine », Revue de droit sanitaire et social, n° 2, 1998,  p. 211 ; Henriette Roscam Abbing, « The Convention on Human Rights and Biomedicine. An Appraisal of the Council of Europe Convention », European Journal of Health Law, 1998, n°5, p. 379 ; Roberto Andorno, « La Convention d’Oviedo : vers un droit commun européen de la bioéthique », dans : L. Azoux-Bacrie (dir.), Bioéthique, bioéthiques, Bruxelles, Bruylant, collection "Droit et Justice", vol. 45, 2003, p. 59 ; Patrick Fraisseix, « La protection de la dignité de la personne et de l’espèce humaines dans le domaine de la biomédecine : l’exemple de la Convention d’Oviedo », Revue internationale de droit comparé, n° 2, 2000, p. 371 ; Vicente Bellver Capella, « Pasos hacia una bioética universal: el Convenio Europeo sobre Derechos Humanos y Biomedicina », dans: Carlos Romeo Casabona (dir.), El Convenio de Derechos Humanos y Biomedicina. Su entrada en vigor en el ordenamiento jurídico español, Granada, Comares, 2002, p. 55.

[8] Cf. Rapport Explicatif à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, Direction des Affaires Juridiques du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1997, paragraphe 22, p. 9.

[9] Ibid., paragraphes 23 à 26, p. 9.

[10] UNESCO. Comité d’experts gouvernementaux pour la mise au point d’une Déclaration sur le génome humain, Présentation de l’avant-projet révisé de Déclaration universelle sur le génome humaine et les droits de la personne humaine, Paris, 6 mai 1997,  p. 5. Voir aussi : UNESCO. Comité International de Bioéthique (CIB), Suivi de la mise en œuvre de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme, Paris, 9 novembre 1998, p.  2.

[11] Héctor Gros Espiell, Genèse de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme, Introduction, Paris, UNESCO, 1999, p. 3.

[12] Bertrand Mathieu, Génome humain et droits fondamentaux, Paris/Aix-en-Provence, Economica/Presses Universitaires d'Aix Marseille, 2000, p. 92.

[13] Il  convient de signaler que, comme une sorte de  prolongement des normes de la Déclaration sur le génome humain dans un domaine plus précis, l’UNESCO a adopté en 2003 une Déclaration portant sur la collecte, traitement, stockage et utilisation des données génétiques humaines. Ce texte insiste tout particulièrement sur les questions relatives à la confidentialité. Voir : http://www.unesco.org/bioethics/

[14] UNESCO, Note explicative sur l’élaboration de l’avant-projet d’une déclaration relative à des normes universelles en matière de bioéthique, Paris, 4 mai 2005, p. 2, par. 11.

[15] Ibid., p. 2, par. 12.

[16] Ibid.

[17] Même si la Déclaration n’emploie pas de manière explicite les termes « bienfaisance » et « non-malfaisance », qui font partie du vocabulaire technique de la bioéthique et préfère donner à l’article 4 le titre plus discret d’ « effets bénéfiques et nocifs », il est clair qu’elle fait référence aux principes mentionnés.